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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

qui n’aimait pas les charlatans, et voilà ce que je lui promis sans difficulté. Tout ce qu’il en résulta, c’est que la porte de son laboratoire ne me fut plus qu’entr’ouverte, et à condition qu’elle s’y trouvât seule, encore.

Le Baron de Breteuil avait trouvé dans les archives de son ministère de la maison du Roi que ce prétendu Comte de Saint-Germain était le fils d’un médecin juif de Strasbourg, et que son nom véritable était Daniel Wolf ; il était né en 1704, de sorte qu’il avait 68 ans lorsqu’il se donnait pour être âgé de 1814 ans, grâce à la vertu d’un élixir de longévité dont il avait dû la recette à sa haute faveur auprès de je ne sais quelle Reine de Judée. À 68 ans, il avait l’apparence d’un homme de son âge qui jouirait d’une santé robuste. Il était droit et marchait vite, parlant ferme et d’assez bon air, avec un peu d’accent alsacien, pourtant. Il avait le regard assuré, arrogant même. Il avait la peau fraîche et brillante, avec une forêt de cheveux blancs, la plus belle barbe et des sourcils de même, ce qui avait fait dire à Mme d’Urfé qu’il ressemblait au Père éternel. — Quand il était jeune, ajouta le Chevalier du Châtelet, car en fait d’irrévérence et de philosophisme, celui-ci prenait toujours l’avance avec le haut du pavé sur le Marquis, son frère aîné.

Une autre bonne exécution pour dévoiler le charlatanisme et la fourberie du Saint-Germain fut celle de M. de Chaslellux, qui fit grand bruit (leur dispute) et qui fut assez divertissante. C’était chez M. Le Normand d’Étioles où se trouvait nombreuse com-