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SOUVENIRS

La première de ces deux épigrammes est d’Alain Chartier, et l’autre est de Saint-Celais, à 92 ans d’intervalle ; ainsi fut-il avéré que M. le Comte de Saint-Germain n’était qu’un charlatan maladroit et mal avisé.

Une autre bonne histoire est celle du Prince de Craon, dont M. de Saint-Germain ne connaissait pas la figure, et qui tombe un jour à l’hôtel d’Uzès, au milieu d’un grand cercle où ledit Saint-Germain débitait ses menteries, qu’on écoutait là, bouche béante. Il était question de Nicolas Flammel et de sa femme Pernelle, et de leur eau de Jouvence et de leur poudre de sympathie. — Eh ! mon Dieu ! s’écria le prince de Craon, ne savez-vous pas ce qui vient d’arriver chez la Comtesse de Sennecterre ? — Quoi donc ? quoi donc ? demanda Saint-Germain, qui lui avait cédé pour deux cents louis d’or (à prix coûtant) une petite fiole de son élixir. — Imaginez, Monsieur, lui répondit l’autre, que M. le Comte de Saint-Germain connaît beaucoup Mme de Sennecterre, et qu’il avait eu la générosité de lui donner un flacon de liqueur éthérée qui devait la rajeunir quand elle en prendrait un scrupule à l’âge de 50 ans ; deux gouttes à 60 ans passés ; quatre gouttes à 90, et ainsi de suite. Elle a voulu cacher la chose à son mari qui n’a que 71 ans (apparemment qu’elle ne le trouve que trop jeune comme cela). — Pas d’épigrammes et courons au fait, lui dit la Duchesse d’Uzès, qui mourait d’impatience et d’inquiétude, attendu qu’elle avait bu de la même drogue.

Mme de Sennecterre avait confié sa précieuse petite bouteille à Mlle Jacoby, personne âgée, pru-