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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

public. J’ai remarqué que, tel innocent qu’on soit ou si coupable que l’on puisse être, on est toujours calomnié quand on vit en mauvaise compagnie. Les mauvaises gens conçoivent toujours de vilaines pensées et tiennent toujours de méchans propos. On n’est sali que par la boue, dit le proverbe ; j’irai plus loin que le proverbe, en disant qu’une personne de la naissance et de la consistance de Mme de Vaudémont n’aurait jamais été salie par la boue, si elle n’en avait pas recueilli chez elle. M’étant pas d’humeur à se tenir tout-à-fait en bas, il avait fallu qu’elle en eût fait monter à sa portée pour en recevoir les maculatures

Il est vrai qu’elle se trouve toujours naturellement inclinée du côté de la mauvaise société, comme aussi du mauvais côté politique, ce qui provient d’une mauvaise gloriole de patronage et de protection mal appliquée, et ce qui tient à la fausseté naturelle de son esprit, à l’infirmité de sa judiciaire, à sa matérialité, pourrait-on dire. Il est impossible qu’elle ne tourne pas et ne verse pas toujours à gauche ; mais elle a beau manquer de jugement, le cœur lui reste, il y a toujours de la noblesse et de l’héritière de Montmorency dans ses procédés ; il y aura toujours de la Princesse de Lorraine et de la dignité dans tous ses rapports sociaux. Elle a mauvaise tête, elle est égoïste, inégale et rancunière ; mais elle ne fera jamais une trahison ni une noirceur, encore moins des lâchetés ou des bassesses. Je ne l’aime guère et je ne l’estime point, mais j’ai toujours été révoltée de ces calomnies à l’égard d’une pauvre femme dont les principaux torts ne sont jamais provenus