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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

naires de Savoie, et qu’on avait fait preuve de huit quartiers de noblesse pour Mme de Sillery, que son père avait fait recevoir Chanoinesse dans un des chapitres du Lyonnais. Les plus anciens buveurs d’eaux minérales et les vieilles femmes les plus rhumatisées se souvenaient encore de l’avoir entendu nommer dans son enfance « la Comtesse Félicité de Lancy », parce que son père était Seigneur et Patron de cette petite ville. Il était encore Seigneur haut justicier de Saint-Aubin-sur-Loire ; mais parce que sa femme et lui auraient dévoré deux royaumes, tous les droits utiles de ces deux seigneuries étaient engagés par eux pour quatre-vingt-dix-neuf ans. Ils n’en avaient conservé que l’encens et les prières nominales qui ne leur profitaient pas à grand’chose, le pain bénit qui ne les rassasiait guère, et l’eau bénite qui ne leur suffisait pas.

On a dit et publié (par animosité contre Mme de Sillery) que sa mère avait eu l’indignité de lui faire jouer de la harpe a des concerts publics, et qu’on les faisait venir à nos soirées moyennant rétribution, ce qui n’est pas vrai le moins du monde. D’abord aucune personne comme il faut n’aurait voulu participer à cet avilissement d’une famille noble et d’une fille de condition ; ensuite Mme du Crest avait deux fortes pensions sur les états et le clergé de Bourgogne, sans compter l’argent qu’on allait solliciter pour elle et qu’on obtenait toujours de M. le Prince de Condé, gouverneur de sa province. À ma connaissance, et jusqu’au mariage de sa fille, au moins, elle n’a jamais dépensé dans une année moins de quinze à dix-huit mille francs honorable-