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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

et symétriquement alignés des deux côtés de cette galerie. — Laissez-moi la main ! Pour qui me prenez-vous ? s’écria la Duchesse avec la résolution courageuse et la fierté qui doivent provenir de son nom du Guesclin. Où prétendez-vous me conduire ? Imaginez-vous que je vais marcher sur le crucifix comme un trafiquant hollandais ?… Plutôt que de fouler aux pieds l’image de notre Seigneur et la sainte Croix, signe de notre salut, je souffrirais mille maux… Ne me touchez pas !… Ne m’approchez pas !

Cet homme hésita la valeur d’une ou deux minutes, ensuite il entra dans la grande salle, et Mme de Gèvres s’enfuit tout aussitôt par une salle de bain qui s’ouvrait sur un corridor attenant au grand vestibule. Elle y trouva que les trois portes qui donnent sur la cour avaient été soigneusement fermées à la clef. La Duchesse est obligée de s’élancer par-dessus la balustrade d’une fenêtre basse, et laisse tomber un de ses souliers ; elle entortille son pied dans son mouchoir, et la voilà qui se met à courir sur le pavé de l’avenue jusqu’à la loge du suisse, où tout le monde était endormi. — Ouvrez, ouvrez-moi ! — Qui va là ? — C’est moi ! — Qui, vous ? — La Duchesse de Gèvres… — Allons donc !… Le débat n’aurait jamais fini si la femme du suisse n’avait pas cru reconnaître la voix de Mme de Gèvres, dont elle avait été fille de garde-robe. La Duchesse ne voulut rien confier de sa mésaventure à ces gens de Mme de Brunoy, qui ne se doutaient en aucune façon de ce qui se passait au bout de leur avenue. Tout ce qu’ils en savaient, c’était que leur maîtresse avait ordonné