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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/114

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SOUVENIRS

couvert pendant huit mois de l’année d’une grande pelisse en renard bleu ; et quand je dis tout cela, ce n’est pas sans intention ni raison, car il avait à sa pelisse un capuchon de fourrure en forme de carapousse, et lorsque nos enfans l’entrevoyaient avec sa coiffure de renard à trois cornes, c’était à qui s’enfuirait le premier. Les traits de son visage étaient réguliers, sa peau vermeille et ses dents superbes. Je ne vous parlerai pas de sa physionomie, car il en avait douze ou quinze à sa disposition. On n’a jamais vu deux yeux comme les siens.

Il affectait de parler le plus mauvais français du monde, et surtout quand il avait affaire à des gens qu’il ne connaissait pas. Il était fort sensible à toutes les choses de bonne grâce et de bon goût, soit à l’extérieur des personnes ou dans leurs paroles. Il apercevait, il appréciait les nuances les plus subtiles de l’élégance et de la distinction dans les procédés sociaux, dans les manières, le langage, le style, et c’était avec une finesse étonnante. J’ai vu des écrits de Cagliostro que la plus spirituelle et la plus délicate personne du monde ne désavouerait certainement pas. Quand on avait le coup d’œil et l’oreille justes, on démêlait aisément que son extérieur bizarre et ses façons étranges étaient de la forfanterie, de la dérision malicieuse, un calcul établi sur l’étonnement du vulgaire ; et j’ai toujours pensé qu’il s’affublait et baragouinait de la sorte à l’effet d’en imposer aux imbéciles en affichant la plus grande originalité.

Il aimait à faire comprendre qu’il aurait été fils naturel du Grand-Maître de Malte Don Manoel