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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.


    jusqu’à Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV et régent du royaume, ce qui fait supposer que ladite charte a été fabriquée du temps de la régence, et ce qui nous dispensera d’entrer en discussion sur son autorité. À la suite du verbal de l’acte, on trouve écrite une autre liste des prétendus grands-maîtres, successeurs du régent, parmi lesquels on est bien étonné de voir figurer le duc du Maine, et cette liste est terminée par un M. de Brissac, à qui M. Fabré-Palaprat aurait immédiatement succédé dans son magistère. On voit qu’il est superflu d’employer la force du raisonnement pour démolir un pareil échafaudage, et qu’il s’écroulerait au premier assaut de la critique. Occupons-nous présentement de la doctrine religieuse de M. Fabré-Palaprat ; car indépendamment de ce qu’il se dit grand-maître, il agit en souverain pontife, il institue des évêques, il consacre et fait communier sous les deux espèces, après dîner, à l’exemple de Bertrand du Guesclin, suivant M. Palaprat, car l’affiliation du bon connétable aux mystères du temple est une de ses découvertes les plus surprenantes.

    Il y a sept à huit ans que ce docteur en chirurgie, successeur de Jacques de Molay, de Bertrand du Guesclin, du duc d’Orléans Philippe Ier, du duc du Maine, et de tant d’autres puissans personnages, avait trouvé sur le quai de Gèvres, en bouquinant, un vieux livre écrit en lettres d’or et dont les initiales, en encre rouge, étaient ornées des figures les plus hétéroclites. Il achète ce manuscrit 25 fr., il le fait voir à M. Dacier, qui lui répond que c’est une dissertation gnostique ou manichéenne, qui doit avoir été copiée par un Grec du Bas-Empire, à peu près au temps de Constantin Copronyme. M. Fabré-Palaprat a fini par trouver un traducteur, consciencieux apparemment, car il n’a voulu remplir aucune lacune et il a laissé en blanc tout ce qui n’était plus lisible ou ce qu’il ne pouvait déchiffrer dans l’original. Le grand-maître a eu soin d’y suppléer dans la copie par les additions les plus favorables à son nouveau système ; et voilà l’histoire du Léviticon de M. Palaprat, le livre dogmatique des nouveaux Templiers, leur bible manichéenne, où l’on trouve des hymnes en l’honneur du diable, ce que M. Palaprat appelle, on ne sait pourquoi, la religion chrétienne et primitive selon saint Jean.

    C’est en conséquence de l’affiliation de l’Abbé Châlet avec ces nouveaux manichéens qu’il a été institué primat des Gaules.

    (Note de l’Éditeur.)