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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

modestement raisonnable et sagement douce, ainsi vous ne sauriez mieux faire ; épousez-la pour être assuré de mourir chrétiennement. — Il n’y a qu’une difficulté, me répondait-il, c’est qu’elle ne le veut pas, à cause de ce que je suis trop riche et qu’elle est trop pauvre, à ce qu’elle me dit.

— Alors épousez la veuve de M. de Brunoy…

— Elle est par trop riche ; et puis, d’ailleurs, je ne répondrais pas de ne la point battre. Nous nous disputerions continuellement sur les salades à la crème et les sultanes en sucre filé qui s’attache aux dents. Elle est entichée de cette nouvelle cuisine qui me paraît d’une bêtise amère, et toute chose à manger est historiée chez elle au point qu’on n’y saurait démêler ce qu’on mange. C’est la femme aux macédoines, et que le diable l’emporte ! Parlez-moi d’une maîtresse de maison comme vous, pour le bon goût de la véritablement bonne chère, ajoutait le Maréchal. On ne se doute pas combien il faut avoir de finesse dans le tact et de solidité dans le jugement pour organiser et conserver une excellente cuisine avec une office parfaite ; et je veux mourir de faim si j’ai vu jamais qu’une personne sans esprit puisse obtenir d’avoir une bonne table pendant six mois. Les friands et les gourmands ne sont pas les fins gourmets, et rien n’est si funeste au talent d’un fin cuisinier que la sotte recherche ou la goinfrerie de son maître. Pour faire bonne chère, il ne faut, après l’argent et la bonne intention, que de la sobriété, de la mémoire et du bon sens. Si l’imagination doit être appelée la folle du logis, c’est principalement dans la cuisine et la salle à manger ; voyez plutôt