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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Je lui répondis qu’il y avait quelque chose de cela dans son affaire.

— Vous savez bien que je n’ai jamais pu souffrir les économistes et les philosophes ; je leur ai toujours mis des bâtons dans les roues pour les empêcher d’arriver à l’Académie française, et je leur ai toujours dit comme Fontenelle : — Il n’y a point de milieu, mes beaux messieurs, athées, ou le baptême des cloches ! Vous savez aussi que la guerre d’Hanovre m’a coûté deux cent mille écus de mes deniers, comme on le vérifiera bien aisément dans les registres de mon intendance. Je vous proteste que la Présidente de Saint-Vincent n’était qu’une voleuse ; enfin, vous savez que je n’ai jamais eu l’indignité de faire ma cour à M’ame Pompadour et à la Dubarry…

— C’est la vérité, lui répliquai-je ; mais est-ce que vous n’auriez pas eu l’occasion d’offenser Dieu différemment, mon cher Maréchal ?… Ne faites-vous rien pour vous exciter à la contrition ?

— Ah ! dame, la contrition ! n’en a pas qui veut, à ce qu’il paraît. J’ai la crainte de Dieu, qui est le commencement de la sagesse, voilà tout.

— C’est du repentir et du regret que la justice de Dieu réclame de vous.

Ils disent que j’ai l’attrition ; c’est toujours autant de gagné, comme disait le Grand-Prieur de Rabutin. Savez-vous, Marquise, à quoi je pense le plus souvent depuis que je suis alité ? J’envisage le mal que j’aurais pu faire et que je n’ai pas fait : et combien c’est un soulagement pour un homme qui va mourir, je ne m’en serais jamais douté. J’ai payé douze cent mille écus pour mon père, en pure com-