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SOUVENIRS

Pourtant que le Maréchal de Richelieu n’usât pas toujours des choses créées avec assez d’innocence, on apprit qu’il allait épouser à 84 ans la veuve d’un Gentilhomme irlandais qui avait servi dans la brigade des réfugiés catholiques au service de France, et qui s’appelait M. de Roothe de Nugent. Mme de Roothe était d’une famille chapitrale de Lorraine (au nombre des petits chevaux). C’était une Comtesse de Lavaulx, assez belle encore et parfaitement bonne. Elle avait été Chanoinesse de Remiremont, à xvi quartiers ; elle avait la réputation la plus intacte et 40 ans pour toute fortune. — Je ne sais pas si j’aurai beaucoup d’enfans. La Maréchale n’est pas bien jeune… Il faut vous dire que la Maréchale était devenue grosse, et qu’elle a fait une fausse couche après six mois de mariage, ce qui ne laissait pas d’inquiéter le Duc de Fronsac. Son père l’aperçut un jour qui descendait le grand escalier de Versailles, et il se mit à crier derrière lui : — M. de Fronsac ! M. de Fronsac !

— Monsieur, puisque j’ai l’honneur de vous rencontrer, lui dit-il, j’aurai celui de vous prévenir que je suis marié depuis deux mois. Vous voyez que mes procédés valent mieux que les vôtres, car vous ne m’aviez fait parler du projet de votre mariage que par un intermédiaire. Malgré mes 84 ans, je compte bien avoir un fils et j’espère qu’il sera plus honnête que vous. J’ai l’honneur de vous saluer.

Mme la Maréchale de Richelieu m’avait fait prier d’aller voir son mari pendant sa dernière maladie. — N’est-ce pas, me dit-il, que j’ai toujours mieux valu qu’on ne le disait ?