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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/169

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

un valet de chambre, en compagnie d’un laquais, qui portait solennellement une belle robe de chambre, avec un bonnet de nuit à dentelles et des pantoufles à talons rouges ; ensuite de quoi le maître-d’hôtel se mit à dresser un couvert pour le souper de M. le Dauphin, qui ne voulut manger que des fruits avec son pain, parce que c’était un soir des quatre-temps, et que la petite table avait été servie toute en gras. M. le Dauphin se fit débotter et fut s’établir après sa collation dans un coin de cette chambre, au plus loin d’un grand feu dont il ne manqua pas de se trouver incommodé, suivant sa disposition naturelle et son amour pour le grand air. Il avait appointé le valet de chambre à deux heures plus tard, afin de procéder à son coucher ; il avait fait éteindre la plupart des bougies, qui réchauffaient encore l’atmosphère, et finalement il se mit à réciter son office de l’ordre du Saint-Esprit qu’il savait par cœur.

Il entendit d’abord un craquement dans la boiserie, dont il aperçut un panneau qui se mouvait lentement et qui s’ouvrit mystérieusement à la hauteur de quelques degrés au-dessus du parquet. Ensuite il en vit descendre une figure de vieillard accoutré d’une pelisse de fourrure toute blanche, aussi bien que sa longue barbe et ses longs cheveux, sans compter de gros sourcils blancs qui lui retombaient sur les yeux. Le vieillard avait l’air de grelotter. Il se dirigea lentement du côté de la cheminée, devant laquelle il ouvrit ses deux mains diaphanes et glacées, en disant d’une voix frissonnante : Ô-o-o ! Ou-ou-ou-ou ! qu’il y a long-