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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/171

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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

— Je suppose, Monsieur, lui dit le Dauphin, que vous ne devez pas être bien jeune, et je dois penser qu’on vous retient en captivité contre les lois du royaume et le droit du Roi. J’aurai le pouvoir de vous servir, j’espère, et j’attends que vous me disiez comment il se fait que M. de Gramont s’arroge le droit de vous retenir en charte privée.

— La charte privée ne serait de rien pour moi si l’on me donnait du bois et si je pouvais allumer du feu, répliqua l’autre, mais depuis quatorze ou quinze ans… Ici le pauvre frileux fut interrompu par la brusque apparition des valets qui devaient servir au coucher du Prince, et qui, ne l’ayant pas trouvé dans sa chambre, étaient montés par l’ouverture du panneau, que M. le Dauphin n’avait pas eu la précaution de refermer derrière lui. Voilà des gens qui se mettent à l’injurier sur l’indiscrétion téméraire et l’insolence de sa conduite, en le menaçant de la colère de M. de Gramont.

— Allez chercher votre maître, à qui vous direz que le Dauphin demande à lui parler, ici même et sur-le-champ… Je n’ai pas besoin de vous parler de la prodigieuse surprise et de la terreur de ces valets… M. le Duc ne s’empressa pourtant pas d’obtempérer à l’injonction de Monseigneur : il se fit attendre au moins vingt minutes, ensuite desquelles il apparut avec un air d’autant plus décontenancé qu’il avait la vue des plus troubles et les deux jambes avinées. M. le Dauphin le toisa d’un regard sévère, et l’apostropha sur le fait du vieux prisonnier, qui déclarait être le trisaïeul de M. de  Gramont, ce que celui-ci démentit de toutes ses