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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/182

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SOUVENIRS

— Pourquoi c’est-il donc, Monsieur ? — Je n’ai pas d’argent : laisse-moi tranquille. — Monsieur, répondit le cocher de fiacre en sautant de son siége et lui ouvrant la portière, il ne sera pas dit que j’aurai laissé s’ennuyer et s’enrhumer un joli seigneur comme vous faute de 24 sous : c’est mon droit chemin que de passer par-devant le Palais-Marchand, et je vous y vas descendre à l’image Saint-Pierre.

En ouvrant sa voiture la porte de ce fameux traiteur, il ôta respectueusement son feutre, en priant le jouvenceau d’accepter un louis d’or. — Vous trouverez là des jeunes messieurs avec qui vous aurez peut-être envie de faire une petite partie. Le numéro de mon fiacre est 144, et vous me retrouverez et me rembourserez quand il vous plaira. Il a fini par devenir cocher de Madame Sophie de France, à la recommandation de son ancien obligé. C’était un fort honnête et digne homme appelé Sicard, et quand on lui parlait de son bon procédé pour M. de Létorières, il répondait que tout le monde en aurait fait autant que lui, parce que c’était, disait-il, un jeune Monsieur si charmant qu’on l’aurait pris pour un bon Ange.

Une autre fois, la femme de son tailleur avait fini par s’impatienter de ce qu’il leur devait quatre cents livres, et la voilà qui se met à chanter pouille à son mari sur la faiblesse de son caractère et pour sa complaisance à l’égard de M. le charmant (sobriquet qu’on lui donnait dans le ménage).

— Tu n’as jamais le courage de lui montrer les dents ; mais je vas sortir pour aller toucher ce billet