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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/181

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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

tains rapports entre les Athéniens et les Parisiens, et quoi qu’il en soit, on a vu de mon temps quelque chose de semblable à cet engouement grégeois pour la pulchéritude, comme dit notre Amyot ; ce que j’en vais rapporter pourra justifier ces prévisions et ces précautions du législateur attique.

Lancelot-Joseph le Provost du Vighan, Seigneur de Létorières et de Marsaille, était un gentilhomme xaintongeois qui n’avait que la cape et l’épée ; mais, comme il était ce qui s’appelle charmant, il eut bientôt les plus belles et les plus agréables choses de ce monde à sa disposition. Il avait trouvé que les classes étaient trop longues et que les récréations étaient trop courtes au collége du Plessis, où l’Abbé du Vighan, son oncle, l’avait fait recevoir gratis, et d’où il s’en alla sans en rien dire. Ainsi le voilà sur le pavé de Paris, la bride sur le col et se mussant dans un galetas. Quand il avait froid ou qu’il avait faim, il allait se promener pour se distraire ; et c’était le garçon le plus heureux du monde.

Ses amis la Poupelinière et Boulainvilliers racontaient souvent qu’un jour d’hiver il était descendu de chez lui par une pluie battante, et s’était réfugié sous une porte cochère. Un fiacre passe, et voilà le cocher qui s’arrête à le regarder.

— Mon maître, dit-il, voulez-vous que je passe de l’autre côté du ruisseau ? — Non pas, répondit le beau rhétoricien assez tristement et pour cause. — Si vous allez plus loin, je vous y mènerai ; dites-moi l’endroit où vous avez affaire. — Je voulais aller me promener dans les galeries du Palais-de-Justice, mais j’attendrai la fin de cette pluie…