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Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/188

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SOUVENIRS

suader au public. Ses blessures étaient des plus graves, et ceci ne l’empêcha pas (après deux ou trois jours de pansement) d’aller escalader les murailles de l’abbaye de Montmartre, et d’y passer la nuit auprès de Mlle de Soissons, sous la grande arcade cintrée qui conduit du cloître au cimetière…

Il paraît que la jeune Princesse était prudemment rentrée chez elle avant le point du jour, et cette malheureuse enfant n’a jamais revu son bel ami Létorières… Ses plaies s’étaient rouvertes, et tout le sang qui lui restait s’écoula pendant la fin de la nuit ; il ne voulut sûrement appeler aucune assistance… Il expira sans témoins, sans nul secours, et, le lendemain matin, il fut trouvé mort, étendu raide mort sur les dalles du cloître !

C’était peut-être sur la pierre qui couvre la tombe de ma pauvre amie, Mme d’Egmont ? ayant été élevée à l’abbaye de Montmartre, elle avait sollicité comme un bienfait d’être inhumée à côté de Mme de Vibraye, son amie d’enfance et dignitaire de cette maison ; c’était dans un lieu qui lui rappelait ses plus douces et ses plus joyeuses pensées de jeunesse. C’était sous ses mêmes voûtes et ces mêmes pavés qu’elle avait si souvent et si légèrement parcourus ! — Aujourd’hui, du plomb, des madriers, des cercles de fer, enchâssée dans une terre humide et compacte, et sous un quartier de roche… Pauvre Septimanie.

On étouffa cette horrible affaire. On dit que ce cadavre était magnifique ! On l’enveloppa d’un suaire ; on le fit rapporter dans son lit, et l’on dit que M. de Létorières était mort de la petite vérole.