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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

vérole, et je commencerai par vous dire que cela n’est pas vrai.

Il y avait parmi les Princesses de famille étrangère établies à la cour de France, un jeune beauté, naïve et tendre au possible. Elle avait puisé dans les beaux yeux de M. de Létorières un sentiment passionné qui désespérait sa famille ; et cette Princesse était Mademoiselle de Soissons, Victoire-Julie de Savoie-Carignan. On en avait dit mille choses fâcheuses, et la Maréchale de Soubise (qui était sa tante) avait obtenu qu’on l’obligeât d’habiter l’abbaye de Montmartre et de n’en pas sortir. Les meilleurs formes et les plus respectueuses étaient observées à l’égard de la Princesse Julie qui n’en était pas moins prisonnière et gardée par un exempt de la prévôté de France. On soupçonnait des intelligences et du manége ; on surprit un message ; on découvrit une échelle de corde ; enfin, le Baron d’Ugeon, gentilhomme des Rohan-Soubise écrivit à M. de Létorières, afin de l’appeler en combat singulier ; mais la partie fut ajournée pour cause de la maladie de Louis XV, auprès de qui notre Galaor de Xaintonge avait obtenu d’aller s’établir et s’enfermer pour le soigner pendant sa petite vérole pourprée, ce qui fit révolter les gens de la cour, attendu qu’il n’avait jamais eu les entrées de la chambre. Le Roi mourut, et cet infirmier du Roi s’empressa d’aller ferrailler avec le champion de Savoye, qui lui fit deux blessures en un seul coup d’épée dans le côté droit. On pansa M. de Létorières ; on ferma prudemment sa porte, et l’on publia qu’il avait pris la contagion pourprée ; ce qui n’était ni vrai, ni difficile à per-