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SOUVENIRS

aventure est qu’il ne faut jamais enfoncer des clous quand on n’y voit pas.

La conclusion que je vous prie d’en tirer, mon cher ami, c’est qu’il faut toujours se moquer des sots qui nous proposent, à nous autres gens d’esprit, des gageures extravagantes ; et puis, c’est qu’il ne faut jamais répondre à certains défis saugrenus, sinon pour interloquer et morigéner les impertinens qui vous les font ! C’était la méthode de M. de Créquy, votre grand-père ; il s’en est toujours bien trouvé, disait-il, ainsi je vous conseille de l’imiter.

Il est pourtant singulier que la fin prématurée de mon petit bénéficier n’ait pas été moins déraisonnable et moins lugubrement désastreuse que celle de ce bénéficier de Louis XV, Abbé de Vendôme ! Elle était plus innocente, à la vérité ; mais « Anathème et trois fois malheur ! à celui qui se joue des morts, qui bruit sur un cercueil et qui trouble le repos du sépulcre, » a dit le concile œcuménique d’Éphèse ; et ce n’est pas en vain peut-être ?…[1]

  1. Étant à Vendôme en 1791, avec un régiment qu’il commandait, Louis-Philippe d’Orléans, alors duc de Chartres, a fait ouvrir et fouiller tous les caveaux de l’église collégiale de Saint-Georges, où les anciens Comtes et Ducs de Vendôme étaient inhumés. Malgré les supplications et l’opposition du chapitre, il a fait briser la tombe et ouvrir les cercueils du Duc Antoine de Bourbon-Vendôme et de la Reine-Jeanne d’Abret, en disant agréablement à ses officiers qu’il voulait leur faire faire connaissance avec le père et la mère d’Henry IV. Aussitôt qu’il fut sorti de cette enceinte, profanée par les jurons blas-