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SOUVENIRS

J’étais véritablement enchanté de Monte-Salerno, et je m’écriai : — Le Paradis n’est pas un plus beau séjour !

— Le Paradis !… s’écria la Dame avec un air égaré ; — Il a dit le Paradis !… Je vous prie de ne pas vous exprimer… Suivez-moi, Docteur Romati… sortons d’ici ! suivez-moi !

Nous nous arrêtâmes enfin dans une volière en treillage doré, laquelle était remplie des plus jolis oiseaux du tropique et des plus aimables chanteurs de nos climats. On y marchait sur un tapis de gazon frais et fin, parsemé de violettes. Le faîte et le pourtour en étaient ombragés à l’extérieur par des touffes de pampre et des clématites fleuries ; et je crois me souvenir qu’on apercevait à l’extrémité de cette volière un muffle de lion (en bronze vert), qui laissait tomber une nappe d’eau très-limpide au milieu d’un bassin richement sculpté[1]. Nous y trouvâmes une table servie avec la recherche la plus élégante, mais on n’y voyait qu’un seul couvert. (Je remarquai que la table était bien pourvue d’alimens prohibés en temps d’abstinence, mais je me promis bien de ne pas y toucher.) — Comment songe-t-on à manger dans un séjour aussi divin ? dis-je à ma belle conductrice. — Je ne saurais me résoudre à m’asseoir à cette table, à moins que vous n’ayez la bonté de m’entre-

  1. Serre-chaude de Chiswick, au duc de Devonshire, et volière de l’Hermitage à Pétersbourg.