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SOUVENIRS

sa mère et la jeune Princesse vinrent demeurer à Monte-Salerno pour y procéder sans distraction à l’éducation de cette grande héritière. Il était prescrit à tous les vassaux du fief, ainsi qu’aux domestiques de la maison, de céder sans résistance à toutes mes volontés.

— À toutes vos volontés, Madame ?

— Ayez la bonté de ne pas m’interrompre, répliqua-t-elle avec un peu d’humeur.

« Je mettais la soumission de mes femmes à toutes sortes d’épreuves, en leur donnant des ordres contradictoires, dont elles ne pouvaient jamais exécuter que la moitié. Je les en punissais en les frappant, les égratignant, et leur enfonçant des épingles dans les bras ; elles finissaient par s’enfuir du château, et la Spinaverde m’en donnait d’autres qui m’abandonnaient successivement.

« Le prince de Monte-Salerno tomba malade et l’on me conduisit à Naples. Je le voyais peu, mais les Spinaverde ne le quittaient pas ; il mourut sans avoir eu le temps de songer à ses affaires de conscience ; mais, par son testament, il avait eu la précaution de désigner le Marquis pour mon tuteur et l’administrateur de tous mes biens.

« Les funérailles du Prince nous occupèrent pendant six semaines et nous retournâmes ensuite à Monte-Salerno, où je recommençai à battre, égratigner et pincer mes femmes de chambre. Quatre années s’écoulèrent avec assez de rapidité dans cette