Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
SOUVENIRS

un panier de quatre aunes et demie, un long manteau qui s’agrafait à la ceinture, un corset assorti, des barbes tombantes, un pied de rouge et la coiffure à la mode du temps. Il est inutile d’ajouter qu’on avait fait choix des étoffes les plus magnifiques et qu’on avait mis tout autant de diamans qu’on avait pu s’en procurer. Le Roi ne parlait pas toujours depuis que c’était Louis XVI, mais il faisait toujours un bon signe de véritable amitié paternelle ; ensuite il embrassait la dame présentée, d’un seul côté quand c’était une simple femme de qualité, et sur les deux joues quand elle était Duchesse ou Grande d’Espagne, ou bien aussi quand elle portait le nom d’une de ces familles qui sont en possession héréditaire des honneurs du Louvre avec le titre de Cousin du Roi. On s’est toujours souvenu que, dans sa jeunesse, le Roi Louis XVI appuya de si bon cœur en embrassant la Marquise de Pracontal, qui était fort jolie, très dévote et très timide, que la pauvre femme en resta dans un embarras prodigieux. Il allait recommencer de l’autre côté lorsque le Duc d’Aumont, qui était de service, se précipita entre le monarque et la jeune dame en s’écriant qu’elle n’était pas Duchesse ! ce qui fit rire tout le monde, à commencer par ce bon Roi.

On allait ensuite chez la Reine, devant laquelle on s’inclinait assez profondément pour avoir l’air de s’agenouiller, afin de prendre le bas de sa robe ; mais Sa Majesté ne laissait jamais la dame présentée le porter jusqu’à ses lèvres ; et la Reine Marie-Antoinette avait toujours l’attention de faire retomber sa robe au moyen d’un léger coup d’éventail. Il est