Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

impossible d’exprimer et de se représenter quelle était alors sa physionomie de bienveillance noble et sa dextérité gracieuse. On s’asseyait un moment devant Sa Majesté, mais seulement quand on était Duchesse ou Grande d’Espagne, et c’est là ce qui s’appelait bourgeoisement avoir tabouret chez la Reine ; ensuite on s’en allait à reculons comme on pouvait, en tâchant de ne pas s’entortiller les pieds dans son manteau qui traînait de huit aunes, et finalement on allait se faire présenter à tous les autres princes et princesses de la famille royale, qui vous attendaient poliment à tour de rôle et qui vous recevaient avec une bienveillance adorable.

Pour en revenir aux Lejeune de la Furjonnière (car cette famille nous avait fourni subitement un Comte, un Vicomte, un Abbé de Créquy et je ne sais combien de Chevaliers de Créquy), il fallut débuter par les faire citer devant le Juge d’armes de la Noblesse de France, M. le Président d’Hozier de Sérigny, lequel est encore aujourd’hui chargé de la garde et la tenue des armoirial et nobiliaire généraux. Je n’ai point de mal à dire de lui, mais il n’avait pas la réputation d’être inflexible autant que Chérin. On a vérifié dans ses registres que les armes de cette famille Lejeune avaient toujours été formées d’un créquier à sept branches lancées en pal aiguisé, tout comme le vôtre ; mais cette unique pièce de leur écu n’était pas de gueules en champ d’or, elle était d’or en champ de gueules, et non pas arrachée, mais tranchée : prenez bien garde à ceci ! Votre père et Mme votre mère étaient confondus d’une pareille énormité ; mais ils furent obligés de s’y résigner