Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

vinces, et surtout en Bretagne, une foule de gens de bonne maison plus généreux que vaniteux et plus fiers que riches, lesquels entrent au service du Roi dès l’âge de seize ans, pour se retirer avec le grade de capitaine aussitôt qu’ils ont gagné la croix de Saint-Louis. On dirait que cette croix de Saint-Louis est le mobile de leur existence, le complément de la vie sociale et l’une des quatre fins théologales du gentilhomme ! On ne dira certainement pas que la plupart des gentilshommes français soient onéreux à l’État, ni qu’ils soient exigeans pour la Couronne. Cette érection de l’ordre de Saint-Louis fut une création des plus hautement politiques, et c’est encore une conception des plus économiques : c’est-à-dire économique à la manière de Louis XIV et du grand Colbert, avec un solide et fécond noyau de noblesse et d’honneur au fond de la pensée. En bonne politique, il ne suffit pas d’instituer un ordre et d’en distribuer les croix ; l’essentiel est de les bien placer pour les faire reluire : Mais retournons à notre Marquise écussonnière.

Imaginez qu’elle avait refusé d’épouser le Comte de Choiseul, aîné de sa maison, Gouverneur du Dauphiné et notre Ambassadeur à Vienne, uniquement parce que les armes du Comte étaient en champ d’azur et qu’elle avait l’horreur de tous les blasons qui peuvent se trouver sur un fond bleu (les fleurs de lis d’or exceptées). La raison qu’elle en donnait, c’est que le champ des siennes était d’un pareil émail, et que cela ne pouvait jamais produire un bon effet pour des armoiries de communauté, où les deux écussons des mariés doivent se