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SOUVENIRS DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sement aimé l’argent, et, contre l’ordinaire des personnes et des choses de ce monde (à l’exception des vins méridionaux), il était devenu généreux en vieillissant. Comme il avait toujours eu de l’attrait pour les gens en crédit et pour les bonnes compagnies, il avait eu des relations les plus distinguées possible ; il avait toujours employé ses amis à l’augmentation de sa fortune ; il avait toujours fait agir les amis de ses amis dans l’intérêt de ses finances ; et pendant trente ans de sa vie on n’a jamais entendu parler de la nouvelle promotion d’un fermier-général sans entendre dire aussi que Voltaire avait fait solliciter un intérêt dans sa ferme. On a dit qu’il avait dû la plus grande partie de sa fortune aux frères Pâris, et je ne le crois pas. Le Marquis de Breteuil a calculé devant moi que leur opération sur les fournitures de 1747 à 1749, où Voltaire était intéressé pour un 92me avait dû lui rapporter tout au plus 60 mille livres ; mais le Marquis du Châtelet et le Maréchal de Richelieu m’ont dit cent fois que la part qu’ils avaient fait avoir à Voltaire dans les recettes et les profits de MM. de la Poupelinière et Challut avait dû lui rendre plus de quinze cent mille francs.

Il a dit au vieux M. du Châtelet que, lorsqu’il avait pris le parti de se qualifier Sieur de Voltaire, c’était qu’il n’aurait pas eu le moyen d’acheter une terre qui pût lui donner un autre nom précédé d’un article, parce que sa mère, à laquelle il payait un douaire avec une pension de 4 mille francs, vivait encore. Son nom de famille, qui lui paraissait ignoble et déplaisant, avait fini par lui devenir insup-