Aller au contenu

Page:Créquy - Souvenirs, tome 4.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
SOUVENIRS


Nous fûmes pendant quinze jours à nous rejeter la balle avec le chat aux jambes, pour savoir à qui répondrait au patriarche de Ferney qui voulait devenir marquis. Enfin j’en pris la charge, et, sans entrer dans aucun détail incivil, je lui marquai que M. de Richelieu consentirait à recommander sa requête aussitôt qu’il aurait pu réunir les seigneuries paroissiales exigées par les ordonnances à celle de Ferney dont il demandait l’érection. J’étais bien assurée que sa vie n’y suffirait pas ; et c’était, du reste, une folle imagination dont il revint tout naturellement dès qu’il ne se trouva plus obsédé par la vision continuelle de cette couronne de marquis de M. de Villette, lequel avait ramené sa femme à Paris. Il fut environ deux mois sans nous écrire ; ensuite de quoi mon neveu du Châtelet reçut une épître de ce grand philosophe avec un placet pour obtenir le collier de l’ordre de Saint-Michel, et toujours à cause des consolations dont il avait besoin pour opposer aux persécutions de Jean-Jacques Rousseau. Une persécution plus véritable était celle qu’il exerça six mois durant contre le Duc du Châtelet. — Ma tante ! je vous apporte encore une lettre de Voltaire, et savez-vous ce qu’il demande pour aujourd’hui ? La croix de Saint-Lazare, avec une dispense de quarante ans pour établir ses preuves. Qu’est-ce que nous allons faire ? — Il faut s’en divertir, mon enfant. Démocrite a dit que la meilleure manière de philosopher est de se moquer des philosophes.

Mon fils avait été forcé d’aller à Besançon pour un procès avec les Ducs de Wurtemberg, au sujet de l’héritage des Coligny : il imagina d’aller faire une