châtelain nous conduisit dans sa bibliothèque, très vaste, fort belle et très bien remplie. Il nous lut des passages de quelques livres rares, à ce qu’il disait, sur la religion, c’est-à-dire contre la religion ; car c’est une lubie, et il revient sans cesse sur cette matière. On fit ensuite des jeux d’esprit ; et pendant qu’on jouait aux définitions, il y eut de beaux rires à propos d’un jeune professeur de Genève à qui on demanda ce que c’était que l’amour. Il se recueillit pendant une ou deux minutes en comptant sur ses doigts, et puis il nous dit que c’était un mot composé de trois voyelles et de deux consonnes. Ensuite on se mit à conter des histoires de brigands et d’assassinats. Chacun ayant eu son tour, on engagea M. de Voltaire à conter la sienne. — Je le veux bien, dit-il, et d’autant mieux que j’en sais une qui est des plus certaines : Il y avait une fois un fermier-général… Ma foi ! j’ai oublié le reste, dit-il en se levant de siége et courant à la fenêtre. — Arrivez donc, Mesdames ! arrivez donc ! s’écria-t-il en regardant dans la prairie. Voyez un tableau patriarcal ! voyez la plus belle chose de la création ! C’était un étalon qui faisait des siennes avec une jument poulinière. Comment trouvez-vous cette invitation philosophique-hippiatrique adressée à Mme de Blot, qui du reste avait été retenue à sa place par Mme Denys,
dans ses mémoires, et dont ses contemporains avaient conservé le souvenir. Le Roi lui dit un jour en présence du Maréchal de Saxe : — « N’admirez-vous pas les heureux effets de la victoire de Fontenoy ? le Maréchal avait ses deux jambes horriblement enflées : le voilà revenu dispos, vif et gaillard après la bataille. — M. le Maréchal de Saxe est le premier « héros que la gloire ait désenflé, » répondit Mme de Créquy ; et le vainqueur de Fontenoy fut lui baiser les mains d’un air attendri. (MMss Cher Montbarrey.)