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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Immédiatement au-dessous de cette noblesse maltaise, il existe une classe mitoyenne qui exerce les emplois civils, administratifs ou judiciaires, et qui recherche la protection de MM. les Chevaliers. Les dames de cette classe sont désignées par la qualification d’Honorate, qu’elles se donnent entre elles, et qu’elles méritent véritablement par la régularité de leur conduite, ou, si vous l’aimez mieux, par la décence et la prudence qu’elles savent mettre dans leurs amours.

« L’expérience leur a fait connaître que le secret et la sécurité sont incompatibles avec le caractère des Chevaliers français, ou du moins qu’il est prodigieusement rare de leur voir unir la discrétion à toutes les autres qualités qui les distinguent. Il en résulte que les jeunes hommes de cette nation, qui sont accoutumés partout ailleurs à des succès brillans, en sont réduits à Malte à l’intimité des femmes de la plus mauvaise compagnie. Les Chevaliers allemands, qui d’ailleurs sont peu nombreux, sont ceux qui plaisent le plus aux Honorate, et j’ai toujours cru qu’ils devaient cette préférence à leur air de douceur, ainsi qu’à leur teint couleur de rose et blanc. À la suite des blonds viennent les basanés ; après les Teutons viennent les Espagnols, et je pense qu’il faut attribuer nos bonnes fortunes à notre caractère, qui passe avec raison pour honnête et sûr.

« Les Chevaliers français, et surtout les jeunes caravanistes, se vengent des Honorate en les persiflant et les mystifiant de toute manière, et surtout en dévoilant leurs amours secrètes ; mais,