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SOUVENIRS

comme ils font bande à part et qu’ils négligent toujours d’apprendre la langue du pays, qui est l’italien, tout ce qu’ils peuvent dire entre eux ne saurait produire une grande impression.

« Nous vivions paisiblement avec nos Honorate, lorsqu’un vaisseau français nous amena le Commandeur de Foulquerre, de l’ancienne maison des Sénéchaux de Poitou, qu’on croit issus des premiers Comtes d’Angoulème. Il était venu jadis à Malte, d’abord pour faire ses caravanes contre les Turcs, ensuite pour y chercher un Chevalier milanais avec lequel il voulait absolument se couper la gorge, enfin pour y prêter serment d’obédience et pour y prononcer ses vœux ; et toujours le Commandeur de Foulquerre avait eu des querelles sanglantes. Il y venait cette fois-ci pour solliciter le généralat des galères ; et, comme il avait trente-cinq ans, on s’attendait à le trouver plus rassis. En effet on ne saurait dire que ce grand officier de S. Jean fût resté tout à fait aussi querelleur et tapageur que par le passé, mais il était devenu hautain, jaloux, impérieux, factieux même, et prétendant à plus d’autorité que le Grand Maître de Malte et les Grands-Prieurs de France.

« Le Commandeur ouvrit sa maison, et les Chevaliers français s’y précipitèrent en foule. Nous y allions rarement, et nous finîmes par n’y plus aller du tout, parce que nous y trouvions la conversation dirigée sur des sujets déplaisans pour nous, et particulièrement sur les Honorate, que nous faisions profession d’aimer et de respecter infiniment.