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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

« Lorsque le Commandeur sortait pour se promener dans la ville, on le voyait toujours entouré de jeunes caravanistes français, qu’il menait dans la Strada-Stretta pour leur montrer les endroits de cette rue où il s’était battu, et pour leur expliquer toutes les circonstances de ses duels. Il est bon de vous prévenir, Monsieur le Comte, que le duel est proscrit et puni sévèrement à Malte, à moins qu’il n’ait eu lieu dans la Strada-Stretta, étroite et longue ruelle dans laquelle ne se trouve aucune porte et sur laquelle il ne s’ouvre aucune fenêtre. Elle n’a de largeur que tout juste autant qu’il en faut pour que deux hommes puissent se mettre en garde et croiser leur fer. Ils ne peuvent reculer, et leurs témoins arrêtent les passans pour empêcher qu’on ne les dérange.

« On avait souffert cet usage afin de diminuer le nombre des duels ; car un Chevalier qui ne veut ni provoquer ni répondre à un défi est toujours le maître de ne jamais passer dans la Strada-Stretta ; et si le combat s’engageait ou s’exécutait ailleurs, il est convenu qu’on ne saurait le faire passer légalement pour une rencontre. Du reste, il y a peine de mort pour quiconque viendrait dans cette ruelle avec un poignard ou des pistolets. Le duel est donc tout à la fois interdit et toléré à Malte ; mais cette permission n’est pas avouée ; on en parle toujours avec une sorte d’embarras honteux, comme d’un attentat contraire à la charité chrétienne et comme d’un acte malséant dans le chef-lieu d’un ordre religieux et hospitalier.

« Les promenades et les stations du Commandeur