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SOUVENIRS

trional d’une rue qui porte le nom de M. de Chantereine.

Cependant, ces bons et charitables Necker avaient long-temps et souvent parlé de leur projet de fondation pour un établissement de bienfaisance. Tous les brochuriers de leurs amis et tous les habitués de leur coterie avaient, comme a l’ordinaire, été leurs porte-voix auprès du public, et tous les journaux philosophiques en avaient retenti. — Comment donc faire ? — Il a fallu s’exécuter pour ne pas donner gain de cause à tous les ennemis personnels de M. Necker, aux détracteurs de son épouse, aux adversaires de sa fille et aux antagonistes de son compte-rendu. Sa femme a fini par se décider à fonder l’Hospice de Madame Necker, appellation d’une modestie prodigieuse ! Mais, comme il ne leur a pas été possible de l’établir dans le voisinage de Mme Thélusson, il est à remarquer que les teigneux n’y sont pas admis et que les galeux en sont exclus à perpétuité.

On aimait à contrôler dans la famille Necker, et, tandis que le mari contrôlait si désastreusement nos finances, la femme contrôlait pédantesquement toutes nos coutumes et jusqu’à nos façons de parler.

Elle avait imaginé que rien n’était si distingué que de se découvrir excessivement la poitrine ; c’était à ses yeux le comble du bel air et la marque assurée d’une grande élévation dans les habitudes aristocratiques. Voilà du moins ce que disaient les personnes qui cherchaient à l’en excuser ; mais, comme c’était une mode qui n’était plus suivie par les femmes de qualité, tout donne à penser que ces exhibi-