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SOUVENIRS

vous pas aussi que ce jeune Duc de Lesdiguières était véritablement le fils de l’Archevêque de Paris, M. de Harlay ? Car, sans cela, comment son portrait serait-il au château de Conflans, et dans un panneau d’attache, encore ? Je suis persuadé que ce bel Archevêque était son père !

Mme votre mère était bien jeune encore, et je vis qu’elle était sur le point d’éclater de rire. J’étais bien aise de donner un exemple de savoir-vivre à ma belle-fille, et je ne fus pas autrement fâchée d’avoir occasion de manifester à cette ambassadrice parvenue, que le sans-gêne et les sans-façons, d’elle à moi, n’étaient pas de mon goût. Je la regardai sérieusement d’abord, et puis je lui répondis avec un demi-sourire, que si j’avais cru la chose dont elle me faisait l’honneur de me parler, je n’aurais pas épousé M. de Créquy. Je vous assure qu’elle en demeura tout-à-fait décontenancée. Elle s’en alla bientôt dans une autre chambre, où l’on nous dit qu’elle s’était mise à disputer avec l’Abbé Maury qui lui fit entendre les vérités les plus dures au sujet de M. Necker et de son compte-rendu. Cet Abbé lui dit notamment qu’il n’y avait en France que trois cent trente mille protestans (au lieu de 2 millions), sur

    moins c’est la tradition de votre famille. Votre grand-père disait toujours qu’il était bien heureux pour mon repos et celui de votre mère, que Ninon ne fût plus de ce monde, attendu qu’elle avait eu pour amans tout autant de Créquy qu’elle en avait pu trouver. Le Grand-Prieur de Froulay m’a dit avoir connu 63 personnages qui avaient été dans les meilleures grâces de Mlle de Lenclos, et qui étaient restés ses très affectionnés serviteurs. (Je compte bien qu’on ne vous laissera lire ceci qu’en âge de raison !)

    (Note de l’Auteur.)