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SOUVENIRS

Oh tant mieux ! tant mieux ! reprit-elle ; on n’a jamais vu des incongruités ni des scandales comme sur les théâtres de ce temps-ci[1].

Un libelliste appelé Morande avait fait contre M. de Maurepas une œuvre de son métier ; ce premier ministre en fut averti par le sieur Caron de Beaumarchais, qu’il envoya courir après le pamphlet et son auteur, par toute la Hollande et l’Angleterre. On eut le bonheur de pouvoir atteindre Morande et celui de pouvoir acquérir son manuscrit pour la somme de 48 mille livres. On fit constituer quatre mille livres de pension sur le trésor au profit dudit Morande, et M. de Beaumarchais (qui n’a pas toujours été bien riche) en gagna six mille écus pour sa peine et les autres frais de sa négociation. Ce prétendu libelle était un tissu de niaiseries les plus insipides. C’est une mystification qui doit compter parmi toutes celles que ce Beaumarchais a fait subir à M. de Maurepas dont il était un des confidens les plus favorisés.

C’était le beau temps des mystifications, et l’on n’entendait parler d’autre chose. M. Dejean mystifiait toute sa famille en dictant de son lit un testament en sa faveur, comme s’il avait été son oncle moribond, M. Chalut. Ceci pensa finir par le tabouret et la marque, pour M. Dejean.

M. de Vergennes et M. de Castries furent mystifiés par Mme de Lamothe qui préludait ainsi à tou-

  1. Louis-Gabriel de Froulay, Grand Croix, Grand-Bailly et Général des galères de Malte, était alors Ambassadeur de la Religion près la cour de France.
    (Note de l’Auteur.)