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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

ses gardes assez de gibier pour que la culture des terres et les récoltes des pauvres gens n’en souffrent pas. Quand il veut faire du bien dans son village, il accepte pour filleul un enfant de son fermier, ce qui lui donnera le droit et l’obligation de surveiller sa conduite. Il donne aux uns, prête aux autres ; il avance quarante écus au tisserand pour acheter du chanvre ; il fait donner un arbre au vigneron pour en surcharger la basche de son pressoir ; il marie, au moyen d’une dot et d’un trousseau qui ne lui coûteront pas quatre cents livres, la fille de ce bon vieillard qui a besoin d’un gendre pour cultiver son champ d’orge. Il donne une vache à la pauvre veuve qui demeure au bout de l’avenue du château. — Vous ne glanerez point dans votre propre champ ! il a lu la Bible, et sur toute chose, il ne fait jamais ramasser le bois tombé dans ses futaies[1] ; enfin la lingerie, la cave et la pharmacie du château sont toujours ouvertes aux sœurs de la charité pour les pauvres de son domaine, et la châtelaine a toujours soin de faire de petits cadeaux à tous les enfans qui reçoivent des prix à l’école de M. le Curé. Vous voyez combien nous différons d’avis, M. Marmontel et moi ; il est tout simple que nos traditions ne soient pas les mêmes ; mais comme ses opinions me paraissent déraisonnables et qu’elles ne sont pas sans inconvéniens pour nous, j’aurais voulu, du moins, qu’il ne les publiât pas avec privilège du Roi.

  1. Nous recommandons cette remarque à l’intendant de la liste civile et du domaine d’Orléans.
    (Note de l’Éditeur.)