Page:Créquy - Souvenirs, tome 5.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
SOUVENIRS

M. Laharpe avait fait un drame intitulé la Vestale, et les comédiens n’osaient pas l’accepter à cause des déclamations contre la vie monastique et d’autres allusions plus impertinentes encore. M. Laharpe en change le titre, il place le lieu de la scène dans un couvent de Paris ; de ses personnages de l’ancienne Rome, il fait une novice amoureuse, un curé philanthrope, un père avare et cruel, un amant en délire… Enfin, M. Saurin censure la pièce et ne trouve rien dans tout ceci qui puisse en empêcher l’impression. M. de Malesherbes en autorise le débit : — Ne choquons pas l’esprit philosophique, et tout ira le mieux du monde !

La première édition de ce drame en cinq actes n’en fut pas moins arrêtée, saisie, et mise au pilon, par ordre du Roi, directement, et si M. Saurin n’en perdit pas son emploi de censeur, il ne dut cette grâce-là qu’à la sollicitation de Monsieur, frère du Roi, pour qui ce genre de publication n’avait jamais rien d’impardonnable. On fit une histoire intéressante en faveur de M. Saurin qui avait eu la ferme intention de supprimer un passage qu’il avait omis de rayer à l’encre rouge, en conséquence d’une migraine, etc. Tout s’arrangea pour le mieux dans la deuxième édition de Mélanie, moyennant la suppression de la tirade suivante. Je vous la rapporterai, non pas à cause de la beauté des vers et parce qu’elle manque dans les œuvres de M. Laharpe, mais à raison de ce qu’elle avait appelé l’attention du Roi Louis XVI et la désapprobation de ce prince. (C’est la novice amoureuse qui parle au curé philosophe.)