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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

dans les appartemens de ces ceux ecclésiastiques, et l’Évêque envoya chercher cet ustensile indispensable pour exorciser, dans la sacristie de l’église de Saint-Lazare. On en rapporta le bénitier des aspersions dominicales avec son goupillon, mais il ne se trouva pas une seule goutte d’eau bénite dans la cathédrale d’Autun… — Chez Mme d’Albon, porte St.-André ! — Chez Mme d’Albon ! cria-t-on dans la foule, allez lui demander de son eau bénite ; elle en aura de la meilleure, Mme d’Albon ! c’est la mère des pauvres ; ce n’est pas une dame comme ça qui resterait sans eau bénite et sans bénitier, non plus !…

On va chez la Comtesse d’Albon, qui ne voulut pas donner de son eau bénite, en disant qu’elle en avait fait venir de Lyon (parce qu’elle ne voulait pas de celle d’un intrus). Si M. de Talleyrand n’avait par d’eau bénite constitutionnelle, il pouvait en faire !

Une femme du peuple en apporta, qu’elle avait pieusement et précieusement conservée depuis l’intronisation de M. de Marbœuf, prédécesseur de M. de Talleyrand ; c’est une dévotion du pays. Celui-ci commença par verser de cette eau dans le bénitier de sa cathédrale ; il y trempa le goupillon pour en asperger le sorcier qu’on avait fait mettre à genoux et qu’on maintenait agenouillé devant cet étrange exorciste. Comme on était obligé de le soutenir pour l’empêcher de tomber à la renverse, cet homme avait le regard inanimé, terne et fixe, ne proférait pas une parole et n’avait pas fait entendre une seule plainte, un seul cri, malgré les brutalités,