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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

amie, si vous saviez tout ce que j’en souffre, et combien cette contrainte journalière avec un fils qui m’est si cher est un rude effort pour moi !… J’ai besoin de me dire souvent que c’est pour son plus grand bien que je me torture (il en pleurait cet admirable homme !) ; et si je ne l’aimais pas autant, je n’en aurais jamais le courage ! Si je ne mettais pas, comme dit l’apôtre, une sentinelle à mes lèvres qui s’ouvrent si naturellement pour lui dire avec effusion des paroles d’amour et de jubilation paternelle, et si la prudence ne venait pas raidir mes bras qui s’ouvrent pour l’embrasser et le presser sur mon cœur, il serait bien étonné de la faiblesse et de l’affection passionnée que j’ai pour lui !

M. le Duc de Penthièvre avait consenti, non sans répugnance et sans appréhension, je vous l’assure ! à donner la main de sa fille unique à ce Duc de Chartres, qu’on a vu successivement Duc d’Orléans, anglomane et patriote, démocrate et terroriste. Le père de cette malheureuse Princesse a souvent eu l’occasion de se reprocher la déférence qu’il avait montrée, dans cette occasion-ci, pour la volonté du Roi ; car il n’est sorte de bienfaits dont cette indigne et perverse famille d’Orléans n’ait été comblée par les petits-fils de Louis XIV !

Le Duc de Penthièvre ne voulait pas fomenter l’aversion que M. de Lamballe avait naturellement pour son futur beau-frère ; mais quand on osait parler équitablement de son gendre en présence de son fils, on voyait qu’il en éprouvait une espèce de sécurité pénible et d’approbation douloureuse.

Sœur affligée, épouse outragée, mère de douleurs !