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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Sa femme de chambre avait perdu la tête ; elle avait appelé tout le village au secours de sa maîtresse, et la chambre se trouvait remplie d’une foule de curieux à qui mon arrivée n’en imposa pas médiocrement. J’en profitai pour tâcher de faire maison nette en les envoyant chercher un prêtre ; mais le tabellion me fit observer que M. le curé n’y consentirait peut-être pas, attendu que cette pauvre dame était la propre cause de sa mort. Je leur dis de me laisser seule avec Mme de Saint-Paër, et lorsque mes gens s’en mêlèrent en leur disant fièrement et solennellement que j’étais Mme la Mise de Créquy, dont ils n’avaient jamais ouï parler, ils se retirèrent avec soumission.

— Ah ! madame !… quel excès de bonté !… C’est vous, madame ?… Ah ! Madame !… Et voilà tout ce que pouvait me dire cette belle et douce Geneviève, dont j’aurais voulu prolonger les jours aux dépens des miens… Hélas ! il était trop tard, le poison qu’elle avait pris et qu’elle avait trouvé moyen de se procurer je ne sais comment, avait déjà brûlé ses entrailles ; elle ne pouvait pas vivre plus de sept à huit heures, et Baudret m’avait prédit que la torpeur allait succéder à l’état convulsif…

Elle implorait l’assistance de son confesseur, à grands cris, mais c’était le vicaire de Sceaux qui n’arrivait pas… — Votre mari, lui dis-je, a beaucoup de confiance dans un des prêtres de cette paroisse… — Mon mari ! s’écria-t-elle avec un égarement terrible… Vous savez qu’il est mon mari ! il vous a dit… — Ah ! pardonnez-moi, grand Dieu ! pardonnez-moi mon crime !… — Il avait dit