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SOUVENIRS

sœur et par condescendance à mes avis, peut-être, il se résolut, deux ans plus tard, à épouser Mademoiselle de Carignan. Funeste alliance et sinistres fêtes ! Je verrai toujours dans la chapelle de cet hôtel de Toulouse, qu’on avait décorée superbement avec des milliers de lustres, des fleurs et de riches tentures brochées ; je verrai toujours cette belle figure du Prince de Lamballe, avec des larmes dans les yeux ; et ces deux familles consternées, et cette jeune fille qui pleurait en voyant la tristesse de son fiancé. Il n’était ni plus pâle, ni plus défait, comme dit le peuple, après sa mort, laquelle ne manqua pas d’arriver peu de temps après son mariage. Je ne vous rapporterai rien des bruits publics, à ce triste sujet, je n’ai rien su d’indubitable, et je me suis promis de ne jamais parler sur le Duc d’Orléans avec témérité. Madame de Lamballe était la beauté, la bienveillance et la vertu mêmes. Vous verrez que sa douceur et sa bonté n’ont plus fléchir les tigres qui l’ont déchirée sur l’autel de l’Égalité[1]

  1. Marie-Louise-Thérèse de Savoie-Carignan, Princesse douairière de Lamballe et Surintendante de la maison de la Reine. Elle s’était réfugiée dans les États de Savoie au commencement de la révolution ; mais quand elle apprit les malheurs dont la famille royale était accablée, elle se hâta de revenir à Paris pour y demander la faveur de partager sa captivité. Elle a été massacrée dans la cour de sa prison en 1792. On lui coupa les seins d’abord, et puis la tête dont on fit crêper et poudrer les beaux cheveux blonds par un perruquier de la rue St.-Antoine ; on la mit ensuite au haut d’une pique, avec un horrible trophée, car on avait ouvert son corps profané pour en arracher le cœur et les entrailles… se rendit sous les fenêtres de la Tour-du-Temple,