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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

sieulx. Harengère, avec sa langue de Serpent et son cœur de Harpie !

Mlle Mazzarelli, qui était une amie de MM. de Moncrif, Saurin et Colardeau, venait de remporter un prix à l’Académie française, pour un éloge de Sully, lorsqu’on apprit qu’elle allait épouser le Marquis de Saint-Chamond, lequel était de la maison de la Vieuville et le neveu du mari de ma tante. Grande rumeur et furieux projets de vindicte où je ne voulus participer en aucune façon. C’était une honnête femme d’esprit, et quand on avait dit qu’elle était sans fortune et sans naissance, on n’en pouvait dire aucune autre chose fâcheuse. Il n’est pas vrai qu’on eût à lui reprocher une conduite légère avant son mariage : elle a vécu le mieux du monde avec son mari ; elle a très bien élevé ses deux enfans ; et parlez-moi de cette femme-là pour se tirer d’affaires et pour se maintenir dans son rôle de grande Dame avec une parfaite aisance !

Elle n’avait pas été présentée, ce qui va sans dire, et voilà qu’un jour de la Pentecôte, elle avait amené ses enfans dans la galerie de Versailles, afin d’y voir passer la procession des Chevaliers du St.-Esprit ; je remarquai dans l’embrasure d’une fenêtre une femme toute seule, une femme en bel et riche habit bien porté, avec du rouge autant qu’une princesse, et des airs de physionomie si naturellement distingues, si spirituellement nobles et si parfaitement intelligens, que je n’avais des yeux que pour elle. Deux beaux enfans qui se trouvaient en haie derrière nous, se retournaient souvent pour la regarder. Je leur demandai le nom de Mme leur mère,