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SOUVENIRS

en usurpation sur le Saint-Sacrement. Enfin l’impatience me prend : je m’élance avec mon fils au travers des gravois, des chardons et des orties mouillées ; mes pieds s’embarrassent au milieu d’une touffe de ronces, et voilà que je tombe (heureusement) sur un tas de fumier. On nous poursuivait avec une chandelle, que le vent ne manqua pas d’éteindre ; on courut à l’écurie pour y chercher une lanterne, à laquelle on fut obligé d’ajuster une feuille de papier, ce qui dura pour le moins vingt minutes ; et pendant tout ceci notre belle hôtesse était à gémir au milieu de sa cour et des ténèbres et sous un déluge de pluie, ce qui me faisait pourtant grand’pitié. — Je vous conjure et vous supplie de retourner dans votre appartement, lui criais-je de toute ma force. Me voilà sous un porche : je vais entrer lorsque j’y verrai clair, et ceci ne tardera pas. Allez vous coucher, ma chère madame, allez donc vous coucher, je vous en supplie ! — Ce serait une chose inimaginable ! répondait-elle avec un ton compassé, et tout aussi prétentieusement qu’elle aurait pu faire dans les salons de Montflaux en y causant avec le Chevalier de Créquy. Je sais comment on doit faire les honneurs de son château, Madame, et je ne veux pas m’en rapporter à mes gens pour savoir si vous ne manqueriez pas de quelque chose. — Vous pouvez compter que je ne manquerai de rien ; mais vous allez vous enrhumer, vous allez tomber de fatigue, et je m’en désespère !… Impossible de lui faire lâcher prise, et l’opiniâtreté de cette ennuyeuse était ce qui m’excédait le plus. Enfin la lanterne arrive, et nous commençons par descendre dans une grande