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SOUVENIRS

vaner injustement. On aurait tellement cru entendre parler Mme de Tessé, ou lire une de ses lettres, que tout le monde s’y serait trompé, si elle n’avait pas été morte. Mme de Lussan en fut la dupe, au point de se persuader que la défunte avait écrit cette même lettre avant sa mort, et sous la rubrique de l’autre monde, attendu qu’il n’existait plus personne qui fût capable d’écrire avec un pareil agrément… — Voyez donc la sagacité de cette vicomtesse ! Monsieur n’a jamais rien fait qui vaille cette lettre ; et je vais la faire copier ici, pour vous donner une idée de la manière de ces dames et de ce que nous appelions le Crébillonage amarivaudé.


Lettre écrite par Monsieur frère du Roi, sous le nom de la Comtesse de Tessé, deuxième douairière, à la Vicomtesse d’Esparbès de Lussan.


Aux Champs-Élysées, ce 25 août.


« Mon enfant gâté, ma Louise, de l’autre monde mon ombre vous souhaite une bonne fête. Comme je n’ai perdu que la vie, et que la mémoire m’est restée, je me souviens que c’est la vôtre, et je vous envoie pour bouquet deux caisses de fleurs qui ne feront pas mal devant les croisées de votre joli salon bleu, que je ne connais pas. Sans y être jamais entrée, je sais qu’il ressemble à un ciel ; et cela est naturel : telle propriétaire, tel logis.

« J’accompagne mon bouquet d’une lettre, par les raisons que je vais vous déduire ; car j’étais diseuse là-haut pour parler à ceux que j’aimais, et je le suis là-bas pour qu’ils y pensent.