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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

pâmait, il en délira ! Mais il ne tarda pas à reconnaître la vanité creuse et la légèreté de cette qualification sans exercice ; et, du reste, Mme du Châtelet, qui savait le monde et la cour un peu mieux que l’algèbre et la géométrie, n’avait pas manqué de se moquer de l’extrême satisfaction qu’il en montrait. C’était pour en modérer l’éclat, disait-elle, et pour qu’il n’en restât pas marqué d’un ridicule ineffaçable…

— Le voilà magnifiquement récompensé pour sa dédicace à cette Mme Le Normand d’Étioles ! nous disait-elle… Et comment trouvez-vous qu’un si grand homme ait pu solliciter (en cachette de moi) cette misérable place de gentilhomme ordinaire ?

— Ne m’en parlez pas ! disait la Maréchale de Luxembourg, attendu que j’en suis confondue ; c’est comme un géant dans un entresol !

Quand Voltaire apprit que Moncrif avait obtenu l’emploi d’historiographe de France, il se mit à crier : Historiographe ? Il est impossible que la Reine ait voulu compromettre son crédit à ce point-là ! c’est historiogriffe que vous voulez dire…

Je me rappelle encore, à propos de cette Histoire des chats, que Moncrif avait entrepris d’appliquer des coups de canne sur le dos d’un insolent et mauvais poète appelé Roy. Ce dernier, qui était le plus jeune et le plus ingambe, opérait sa retraite à reculons devant son agresseur, bien assuré que celui-ci ne manquerait pas d’observer la convenance et ne voudrait pas lui porter un seul coup, s’il n’avait pas le dos tourné. C’est qu’on n’aurait pas voulu, dans ce temps-là, s’exposer à frapper avec un bâton