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SOUVENIRS

Rodney[1]. L’histoire moderne ne nous offre aucun exemple d’un pareil acharnement ; tous les capitaines de vaisseaux français se firent tuer sur le bord de l’amiral ; le Comte de Grasse n’amena son pavillon blanc qu’après dix heures et demie de combat, et après avoir inutilement cherché la mort : il n’avait sur son vaisseau que quatre hommes vivans lorsqu’il se rendit. Nos ennemis admirèrent sa valeur, et ses concitoyens ne lui rendirent pas la même justice.

Pour réparer cet affreux désastre, ainsi que la perte de six vaisseaux qui furent capturés par les Anglais, Monsieur, Comte de Provence, et M. le Comte d’Artois, offrirent au Roi, leur frère, chacun un vaisseau de cent dix canons ; et M. le Prince de Condé rendit un pareil hommage à la couronne au nom de la province de Bourgogne dont il était gouverneur et dont il fut présider les états. M. de Penthièvre fit construire deux frégates et n’en dit rien à personne.

Sans compte que l’Abbé Delille est le premier poëte, ou plutôt le seul poëte de son temps, vous verrez qu’il est un des hommes les plus aimables et les plus solides en amitié que vous puissiez connaître. Son esprit, disais-je autrefois, vif et pénétrant, salutaire et gai. Sa conversation me rappelle toujours celle de Voltaire, mais d’un Voltaire ingénu, loyal et franc que je n’ai pas connu. La

  1. François-Joseph de Grasse des Princes d’Antibes, Comte du Bar en Provence, etc., né 1723, mort en 1788.