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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/106

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SOUVENIRS

je vous serai bien obligé de faire dire aux académiciens que je le verrai nommer avec plaisir.

Je ne manquai pas de faire connaître les intentions du Roi, comme vous pouvez croire, et les amis du jeune poëte (il avait environ quarante ans) m’en surent tout le gré possible. C’est à cette occasion-là que je l’ai connu[1].

En attendant la première vacance à l’Académie, qui ne tarda guère, attendu que M. de la Condamine mourut quinze ou dix-hui mois après, M. le Comte d’Artois voulut bien conférer à M. Delille un joli bénéfice de son apanage, au moyen duquel il a subsisté fort aisément jusqu’à la spoliation des biens du clergé. On avait eu de la peine à lui trouver un nid convenable et commode, c’est-à-dire un bénéfice qui n’astreignît pas à résidence et qui pût être possédé par un laïc. M. le Duc de Penthièvre n’en gardait jamais en réserve et n’en avait plus un seul à sa disposition ; votre père avait colloqué tous les siens, Dieu sait comme ; et mon prieuré des Gâtines était rempli par un gros joufflu d’Abbé du Gôron qui promettait de vivre autant que Mathusalem. Quand on nous avait priés de faire demander par M. de Penthièvre un bénéfice à la chancellerie du Palais-Royal, ce Prince avait répondu que Mme sa fille n’avait pas le crédit d’y faire chanter un aveugle, et du reste, on savait que la collation

  1. La lettre de l’Abbé Deville qui se trouve citée dans l’Avis de l’Éditeur, au commencement du premier volume de cet ouvrage, paraît devoir se rapporter à cette circonstance indiquée par l’auteur.
    (Note de l’Éditeur.)