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SOUVENIRS

loppa dans le réseau d’iniquité qu’il avait ourdi. Soliman-Bey, renégat milanais et fils adoptif de M. de Bonneval, eut soin d’empêcher qu’il ne pût communiquer avec aucun de nos compatriotes. Il envoya chercher l’Imam de la mosquée voisine, et Dieu sait quelles ont été les dernières pensées de ce malheureux apostat : c’est un secret entre la Providence et le tombeau.

Je vous dirai que l’Abbé Delille avait absolument voulu m’accompagner dans une de mes audiences au comité de l’Assemblée nationale, à l’occasion de notre procès contre Nicolas Bezuchet. — Monsieur l’Abbé, lui dit le citoyen Lamourette avec son air de bénignité mielleuse, encouragez Mme de Créquy dans la confiance qu’elle doit avoir en notre impartialité, je vous promets de l’interroger avec tous les égards qui dont dus à son âge et à son sexe. — Je le crois bien, lui répliqua l’autre : allez procéder à son interrogatoire et vous verrez qu’il est impossible de lui dire plus haut que son nom.

Malgré son refus de composer une cantate républicaine pour la fête de l’Être-Suprême, ou plutôt malgré ce fameux dithyrambe sur l’immortalité de l’âme, qui lui valut l’animadversion de Robespierre et les dénonciations quotidiennes de l’Ami du peuple et du Père Duchesne (journaux terroristes), l’Abbé Delille avait tenu ferme à Paris ; mais il a fini par y manquer de patience, et voici pourquoi : il avait rencontré, dans la rue de la Loi, le représentant du peuple Cambon, qui lui déclara qu’il était le plus malheureux citoyen de la république, en ce qu’il ne pouvait seulement pas s’ab-