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SOUVENIRS

L’engouement désordonné pour le magnétisme avait été la première aberration de ces têtes mal faites, et l’on a remarqué que presque tous les principaux révolutionnaires avaient été Mesméristes passionnés.

Il faut vous dire à présent comment le peuple de Paris ne resta pas en arrière des gens du monde en fait d’enthousiasme pour les prodiges.

On ne savait ce que pouvaient devenir journellement tous les cochers, les palefreniers, les marmitons, les garçons de cuisine et surtout les laquais de la ville. On n’en pouvait garder à l’antichambre, et quand on les envoyait quelque part, ils n’en revenaient point. Les maîtres d’hôtel en perdaient la tête ; et comme la même chose arrivait dans presque toutes les maisons, on avait fini par en parler dans le monde, où personne ne savait à quoi cela pouvait tenir.

Il était arrivé d’Alsace un prodigieux médecin, qui guérissait toute espèce de maladies par les simple imposition d’une de ses mains. Il ne recevait pas d’argent ; mais il était convenu que les personnes qui pouvaient payer, donnaient quelque chose en s’en allant, et suivant leurs moyens, à une grosse fille qui se tenait toujours derrière la porte. Le peuple assurait que ce médecin distribuait aux pauvres du quartier l’argent qu’il avait reçu par ce moyen. Il avait été s’établir dans une maison de la rue des Moineaux, sur la butte Saint-Roch, et c’était là que toute la livrée de Paris tenait des assises. Les femmes du peuple y jouaient un grand rôle, et je vous assure qu’elles auraient mis en lambeaux