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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

toute personne qui se serait permis de douter du pouvoir de ce charlatan. La mère de mon garçon d’office, par exemple, avait amené chez cet homme une de ses filles qui était boiteuse de naissance. Il lui toucha les hanches et lui ordonna de marcher sans béquilles. La boiteuse obéit et tomba sur le nez ; mais la mère s’écria que sa fille était une entêtée qui ne voulait pas marcher comme tout le monde ; elle entra dans une furieuse colère, elle se mit à lui casser ses béquilles sur le dos, et pour que la malade pût s’en retourner, son frère fut obligé de lui en aller chercher une autre paire (de béquilles). Le médecin désapprouva l’emportement de cette bonne mère ; mais tous les laquais et toutes ces femmes qui couvraient la butte, et qui virent la jeune fille s’en aller comme elle était venue, lui dirent que c’était sa faute, et peu s’en fallut que toute le monde ne la battît pour la punir de sa mauvaise volonté.

Vous imaginez bien que l’autorité fut révoltée de ce qu’il y avait un homme à Paris qui faisait muser les laquais et qui dérangeait les cuisiniers. C’était bien autre chose que les inconvéniens du magnétisme ! Mais, pour écarter un soulèvement populaire, ce qu’on avait toujours grand soin d’éviter sous le gouvernement de nos rois, paternellement, et pour ne pas avoir à sévir contre le pauvre peuple de Paris, qui est la plus stupide engeance de la terre, et qui du reste est la plus atroce et la plus infâme canaille de l’univers, on se crut obligé d’user d’artifice : on fit déguiser des hommes du guet qui furent prier le médecin de venir avec eux chez Mme  la Ma-