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SOUVENIRS

et ne manquez pas d’écouter les intendans qui vous proposent d’emprunter pour vous libérer !

M. le Prince de Condé, dont la femme était Rohan-Soubise, s’était empressé d’ouvrir ses coffres à son beau-frère en lui proposant tout son crédit ; mais la Princesse de Guémenée voulut suffire à tout. Elle commença par se défaire d’une petite forêt qui ne lui rapportait que vingt-sept mille livres de rentes et dont elle retira quatre millions huit cent mille francs, ce qui prouve que ses domaines étaient joliment administrés. Elle aliéna tous les domaines qui lui provenaient de sa grand’mère Marie Sobieska ; elle vendit au Roi les droits régaliens qu’elle avait sur le port de Lorient, ce qui fut une affaire de neuf millions cinq cent mille livres, et quand la révolution française est survenue, je crois bien qu’il ne restait plus à desintéresser, comme il se dit en style de tribunaux, que Mme de Coislin, à qui l’on avait à rembourser le capital d’une rente viagère de vingt-quatre mille livres, et qu’on avait mise à la queue des autres créanciers, afin de se revancher de ce qu’elle avait crié trop injurieusement.

— J’espèce, au moins, que c’est le dernier acte de souveraineté que fera la maison de Rohan ! disait-elle avec la double passion qui résultait de sa jalousie nobiliaire et de son amour du pécule.

Si l’animosité d’un Ministre du Roi, que je ne veux pas nommer, n’était pas venue compliquer les embarras de MM. de Rohan, leur affaire se serait terminée sans avoir causé le moindre scandale, et