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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Moi. — Monseigneur, je n’ignore pas que ce cabinet est peu accessible à la philosophie, mais il ne doit pas être inaccessible au bon sens.

M. le Garde des Sceaux. — Ah ! le bon sens ! Que dit le bon sens ? Je serai charmé de l’entendre parler par votre bouche !

Moi. — Monseigneur, le bon sens est bon à tout, même au théâtre des Variétés amusantes ; mais je parlerais long-temps si j’entreprenais de vous répéter tout ce que dit le bon sens à votre sujet, et sur les arrêts du conseil qui sont fabriqués dans vos bureaux ; je m’en tiendrai donc au cas présent et particulier, et je tâcherai de vous faire comprendre, par un exemple connu de vous, ce que je voulais vous dire au nom du bon sens.

Tout le monde imprime des Mémoires sur les demandes en cassation, vous le savez, vous l’approuvez, vous le conseillez même à ceux que vous protégez, mais vous venez de me le refuser, et vous m’écrasez, moi, parce que vous ne me croyez pas les moyens de réclamer assez fortement contre vous. Certes, Monseigneur, la méthode n’est pas nouvelle, mais elle est cruellement ingénieuse !…

M. le Garde des Sceaux. — Monsieur, vous n’êtes pas juge de ces matières.

Moi. — Non, Monseigneur, mais le Roi l’est !

M. le Garde des Sceaux. — Allez vous plaindre au Roi des lois de l’État.

Moi. — Des lois de l’État ! de ses lois ! Ah ! nous n’en sommes plus à savoir comment se font les lois de l’État et les arrêts du conseil. Lequel de vos commis n’en a pas fait cinquante en sa vie !…