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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

faut que je vous parle de Longchamps, et même avant de vous parler de l’Abbaye de Longchamps, je vous parlerai premièrement de l’Abbaye de St.-Maur où nous allions à l’office de la Semaine Sainte avant que tes Ténèbres de Longchamps fussent devenues à la mode.

Je vous dirai donc que cette église de St.-Maur-des-Fossés, non loin de Vincennes, était, dans les temps gothiques et par un privilége du Roi Robert-le-Pieux, la seule église monastique du diocèse de Paris où les laïcs eussent la permission d’entrer pendant les offices, et c’est de là qu’étaient provenus l’habitude et l’usage d’une grande affluence de peuple dans ladite église de St.-Maur, à certaines fêtes solennelles.

Les officiers de toutes les justices des terres qui dépendaient de l’Abbaye étaient obligés d’y paraître et d’y représenter à la suite du Baillif seigneurial. Tous les habitans du village de St.-Maur se mettaient sous les armes, et après l’appel de tous les justiciers et de tous les notables habitans, ce cortège assemblé s’en allait tambour-battant-mêche-allumée, faire la procession dans l’église collégiale. Ce spectacle y faisait affluer tous les artisans de Paris, ce qui n’empêchait pas les grandes dames de continuer à s’y rendre pendant la Semaine Sainte, attendu que c’était un usage établi pour tout ce qui pouvait monter dans un carrosse à couronne. C’était un arrangement dévotieux qui remontait jusqu’à la belle-fille de Hugues-Capet, la Reine Berthe, et tout le monde y tenait à beau renfort de coutume séculaire et de traditions.