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SOUVENIRS

Cependant, vers l’année 1730, on s’était mis à faire des décharge avec des armes à feu dans l’intérieur de l’église, et voilà qui ne manqua pas d’y attirer plus de populace, et par conséquent plus d’indévotion ; de sorte que les bons religieux de St.-Maur s’avisèrent d’exposer au milieu du chœur toutes les reliques de leur sacristie, à dessein de contenir le peuple en respect. Cette innocente imagination ne fit qu’augmenter de tumulte ; elle attira tous les malades du quartier St.-Antoine et du côté de Charenton, qui voulurent absolument passer la nuit dans l’église, afin de s’y trouver à la première messe du Samedi Saint ; et je sais bien qu’en l’année 1732 (la dernière fois que j’y sois allée), il me sembla me trouver au Sabbat de Mesnilmontant. On n’entendait que des cris et des hurlemens de ces malades, que cinq ou six hommes promenaient étendus sur les bras tout autour de l’église. Les malades criaient de toutes leurs forces : Saint-Maur, Saint-Maur !Obtenez-moi guérison, s’il vous plaît ! — Les porteurs faisaient plus grand bruit encore en criant : Place aux malades !du vent !du vent ! Gare le rouge ! et les femmes s’empressaient de cacher tout ce qu’elles pouvaient avoir de rouge, et des hommes charitables agitaient leurs chapeaux pour éventer les malades ; enfin c’était un vacarme si prodigieux dans une église, qu’on n’entendait point du tout l’office du chœur, et qu’il se formait quatre ou cinq parties de chant qui discordaient tout à la fois dans les quatre coins de l’église. Vous sentez bien qu’il se trouvait là des marchands d’images et de petites bougies, sans parler des fontai-